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Pédagogie active, interaction et participation Version imprimable Suggérer par mail
Le caractère interactif des apprentissages a largement été développé par la pédagogie active. À l'opposé d'une simple transmission des connaissances, fondée sur un rapport diffusion-réception, elle s'appuie sur une démarche expérimentale de l'élève à partir de son propre fonctionnement cognitif. La métaphore du jeu de piste illustre assez bien ce processus interactif au cours duquel l'enseignant apporte les indices qui permettent à l'élève de tracer lui-même le parcours de sa découverte. Dans une action de formation, la modalité interactive repose sur la prise en compte du contexte : profil cognitif des participants, habitude du travail collectif, climat psychoaffectif du groupe, motivation pour l'action de formation. Cela implique que le formateur privilégie d'abord l'écoute sur la communication d'éléments de connaissance, au risque sinon de les délivrer à un public qui ne les appréhendera pas de façon satisfaisante. Cependant, il est difficile de percevoir immédiatement le profil cognitif d'un groupe de formation, qui ne se réduit pas aux titres scolaires, universitaires et professionnels détenus par les uns et les autres. Et il est tout aussi illusoire d'imaginer proposer d'emblée : « De quoi souhaitez-vous que nous parlions ? » ou « Comment voulez-vous que nous travaillions ? », car les participants sont fort légitimement en attente d'éléments de contenu. Toute action de formation implique donc un minimum d'apports initiaux du formateur, ne serait-ce qu'en termes d'étapes, de méthodologie, de pistes ou de questionnements raisonnés sur le thème concerné.
À travers cette présentation, les participants vont se faire une première idée du formateur. La difficulté de ce dernier est qu'il doit, lui aussi, se faire une idée du groupe de formation et qu'il navigue d'abord à l'aveugle. Une série de techniques (expression des attentes, questionnement ou brain-storming sur le thème abordé et/ou le contexte institutionnel, etc.) permettent évidemment que les participants entrent dans le jeu, commencent à se dévoiler, favorisant ainsi un ajustement de l'interaction. Cette première séquence interactive va fortement influencer la suite du processus. Un formateur expérimenté percevra rapidement le climat émotionnel du groupe. Il lui faudra cependant plusieurs séquences de formation avant d'accéder à certaines clés d'explication des conduites(1).
De son côté, il s'expose considérablement dans un premier temps. C'est lui qui discourt le plus, lui qui anime et se trouve à la convergence des attentes et réticences. C'est en le prenant pour vecteur et arbitre que se jouent les interactions au sein du groupe, éventuellement par le canal d'un leader informel). Évidemment, il peut se dissimuler sous un habillage théorique sophistiqué ou mystifier temporairement son auditoire par une prestance séduisante. Au mieux, les participants lui manifesteront leur désintérêt ou leur désaccord, au pire ils entreront dans son jeu et l'apparente complicité, voire la satisfaction déclarée, ne témoigneront pas d'une réussite formative. Les participants n'auront pas construit leur point de vue sur une question, mais auront seulement adhéré à un discours(2).
La seule attitude pertinente est la simplicité d'être, autrement dit l'authenticité. Il ne s'agit certes pas de se livrer tout entier, encore moins d'exposer ses faiblesses (naïveté défensive, coquetterie ou manipulation), mais de s'efforcer à la clarté, à la modestie et à l'écoute, en renonçant d'abord à connaître l'impression que l'on donne. Pour relativiser cette interrogation, il suffit d'ailleurs de se remémorer ses propres ressentis de stagiaire, superficiellement cruels sur les apparences de l'intervenant, mais caractérisés en profondeur par une attente d'enrichissement, le désir de rencontrer une personne au-delà de la représentation sociale de ce qu'est un formateur.
Le processus d'apprentissage s'entrouvrira à partir de cette première élaboration partagée du contexte formatif, découverte à la fois par le formateur du profil cognitif des participants et par ces derniers du style du formateur ainsi que de la démarche proposée. Deux mécanismes cognitifs pourront alors être sollicités : le raisonnement analogique et le raisonnement déductif.

Le raisonnement analogique

Contrairement à une tendance spontanée (exposer ses connaissances, développer un argumentaire pour aboutir à une conclusion), il est préférable de privilégier d'abord le raisonnement analogique. Le formateur y fera appel – plus exactement, s'assurera que les participants l'appliquent à son discours – à travers des incidentes du type : « Vous voyez ce que je veux dire ? », « Cela vous parle ? », « Est-ce en lien avec votre situation professionnelle ? », etc. Les premières questions ou remarques des participants relèvent également de ce raisonnement analogique, qu'elles soient respectueuses – « Pensez-vous qu'avec un public comme le nôtre, nous… ? », « Vous voulez dire que… » – ou réservées, voire hostiles – « Je ne partage pas votre point de vue », « Je ne vois pas où vous voulez en venir. » Il s'agit, pour les participants, de rapporter le propos du formateur à l'état de leur savoir au sens large du terme. Lorsqu'ils qualifient de « concret » la façon dont celui-ci aborde des éléments de connaissance, ils indiquent y trouver de l'intérêt, parce qu'ils leur donnent du sens dans leur situation professionnelle. À l'inverse, ils jugeront abstraite une proposition qu'ils ne mettent pas en lien avec leur situation professionnelle.
Il arrive pourtant qu'à l'issue d'une formation certains participants notent dans leur fiche évaluative qu'ils regrettent de ne pas « avoir abordé assez de théorie », alors qu'ont été employés des concepts issus des sciences humaines pour analyser les situations professionnelles et construire des réponses opératoires. C'est qu'ils se représentent la théorie comme un raisonnement détaché du réel, difficile à appréhender, et qu'à leurs yeux sa valeur ne réside pas dans sa simplicité et sa clarté, mais est attestée par un discours savant socialement homologué. En quelque sorte, ils attendent de recevoir de la théorie ; celle-ci est un objet qu'ils croiront posséder comme un attribut témoignant de leur intelligence.
Or, la théorie n'est au contraire judicieuse que si elle est assimilée, intégrée, intériorisée, si elle se constitue en raisonnement aisément utilisable pour traiter un problème, en habitude de pensée. Et cette appréhension de notions théoriques est grandement facilitée lorsque le formateur sollicite le raisonnement analogique chez les participants. Ceux-ci s'appuient sur des éléments de connaissance qui leur sont familiers (leurs situations professionnelles) pour s'approprier de nouvelles notions(3).
Le raisonnement analogique fait appel au mécanisme d'adaptation exposé par Piaget. Il nous permet de réorganiser nos schèmes de pensée en fonction des nouvelles données qui nous sont proposées. Nous faisons référence à une situation antérieure familière et maîtrisée, pour constituer la notion proposée, pour la faire sienne. Ce qui s'accorde à l'idée que devant tout nouvel apprentissage on sait déjà quelque chose. Est-ce qu'apprendre ce n'est pas s'appuyer sur l'idée que l'on sait des choses pour accepter l'incertitude propre à l'inconnu ?

Le raisonnement déductif

Rassurés sur leurs compétences et le fait qu'ils disposent de certaines connaissances, les participants sont plus accessibles aux raisonnements déductifs. Le terme « rassuré » surprendra peut-être en ce qu'il présuppose une inquiétude devant la formation. Il ne faut pas négliger cette dimension psychoaffective. L'inquiétude devant une situation d'apprentissage ne suppose pas une difficulté particulière ou un vécu scolaire traumatique, elle nous concerne tous dans la mesure où elle implique l'appréhension (4) d'un inconnu. On objectera peut-être que certains participants éprouvent de l'hostilité plutôt que de l'inquiétude à l'égard d'une formation dont ils supposent qu'elle vise à les faire adhérer à des orientations qu'ils ne partagent pas. Or, cette hostilité a aussi besoin d'être rassurée, d'être fixée sur le fait que le formateur ne les renverra pas au rôle d'opposants stériles, mais acceptera l'expression de leur point de vue divergent.
C'est ce que l'on a coutume d'appeler l'« instauration d'une relation de confiance », à condition de ne pas la surcharger d'affects obligeant les interlocuteurs à une dépendance relationnelle. Il s'agit, au contraire, de fixer les places respectives, c'est-à-dire d'accepter la perspective de points de vue distincts, de paroles et d'écoute indépendantes, en un mot d'établir l'altérité du rapport pédagogique. Les participants sont alors en capacité d'utiliser le raisonnement déductif autour de concepts soit qui ne leur sont pas familiers soit qu'ils ont écartés dans leur pratique parce qu'ils étaient susceptibles de la remettre en cause. Ce raisonnement entremêlera des aspects cognitifs et psychoaffectifs, ainsi que le montreront quelques exemples.
Certains raisonnements déductifs sont immédiatement appréhendés par les participants parce qu'ils viennent les soulager d'une profonde insatisfaction quant à la façon dont ils ont dû jusqu'alors utiliser certaines notions. Je pense en l'occurrence à la perspective mécaniste appliquée à la notion d'objectif que comportent nombre d'injonctions institutionnelles. L'objectif est, en effet, généralement présenté sur le mode de la cause à effet, ce qui convient lorsque l'on agit sur un objet, mais se révèle absurde, radicalement illogique dans le service aux personnes. Aussi voit-on les visages s'éclairer lorsque l'on propose le très simple raisonnement : « Si vous avez un objectif sur une personne, vous en faites l'objet de votre action. Elle n'est donc plus un sujet, capable de conduites propres, ce que pourtant vous revendiquez comme étant au fondement de votre action. » L'adhésion au postulat suivant est alors unanime parce qu'il s'accorde au vécu professionnel des participants : « Votre action ouvre une interaction dont vous ne pouvez présupposer le résultat. Tout au plus pouvez-vous faire l'hypothèse que vous offrez une opportunité favorable à votre interlocuteur et qu'il s'en saisira pour activer des potentialités personnelles. »
Des résistances vont en revanche apparaître, à l'insu même des participants, lorsqu'il s'agira d'appliquer ce postulat à la relation établie avec les parents d'un enfant pris en charge. Les professionnels énoncent parfois, en effet, des objectifs qu'ils entendent poursuivre auprès des parents, sans pour autant concevoir les leur communiquer, car ils les supposent incapables de l'entendre. Il s'agira, par exemple, de proposer à une maman un séjour de vacances encadré par des professionnels pour elle-même et ses enfants, en supposant que cela lui permettra de modifier ses conduites éducatives, mais sans lui annoncer cet objectif. Le formateur énonce alors le raisonnement déductif suivant : « Si une personne n'est pas en capacité d'entendre un objectif poursuivi auprès d'elle (lorsqu'il s'agit d'un rapport d'éducation avec un mineur) ou avec elle (lorsqu'il s'agit d'un rapport d'aide avec un adulte), elle n'est pas non plus en capacité de l'atteindre. Mieux vaut donc y renoncer, au moins temporairement, au risque sinon de la mettre en échec. » Mais il est aussitôt confronté à une série d'objections du type : « Ce n'est pas si simple » en passant par l'expression de jugements de valeur péjoratifs jusqu'alors dissimulés sous un discours professionnellement correct, avant d'identifier enfin que cet objectif a été décliné pour répondre aux attentes des financeurs institutionnels du séjour de vacances projeté.
Compte tenu des enjeux de pouvoir au sein d'une équipe pluridisciplinaire, le raisonnement déductif appliqué à la mise en œuvre du projet individuel dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux suscite également des résistances. L'argumentaire du formateur est le suivant : « Les textes légaux vous enjoignent d'établir une fois par an le projet individuel de l'usager. Vous convenez que c'est une base minimale pour offrir une prise en charge satisfaisante. Vous expliquez que l'allocation de temps dont vous disposez pour vous réunir ne vous permet pas d'y pourvoir. Or, vous réalisez des synthèses de projet individuel à douze personnes parce que vous estimez que les différents niveaux hiérarchiques (ou/et tous les personnels psychomédicaux ou/et également les membres de l'équipe psychoéducative qui n'ont pas directement l'enfant en charge) doivent y assister. Vous pouvez répondre à l'exigence d'examen annuel du projet individuel en réduisant le nombre de participants aux seuls intervenants directs et en éliminant les doublons hiérarchiques par des délégations de responsabilité. » Ce raisonnement déductif est d'autant plus difficile à accepter qu'il repose sur un principe de priorité (ici accordée à l'examen du projet individuel sur la présence du plus grand nombre de professionnels). Il suscite frustration et inquiétudes chez ceux qui sont susceptibles d'une moindre participation. Il implique des choix de la part de l'équipe et donc des renoncements.
Un dernier exemple montrera les limites du raisonnement déductif et offrira une transition avec l'examen de la dimension participative. Dans un SESSAD (service d'éducation spécialisé et de soin à domicile), les professionnels définissent, au cours d'une formation, les rôles respectifs de l'éducateur et de l'enseignant en se référant aux rôles sociaux ordinaires :
• l'enseignant représente l'école, les apprentissages et la socialisation extrafamiliaux ; il ne saurait donc intervenir à domicile, mais dans les locaux du SESSAD en remédiation cognitive ou en soutien scolaire ;
• l'éducateur représente la suppléance à des parents en difficulté éducative ; il peut aider l'enfant dans la réalisation de ses devoirs à domicile et aider les parents dans leurs attitudes éducatives.
À l'encontre de cette élaboration, deux professionnelles exposent la situation d'une adolescente défiant l'autorité de ses parents et des enseignants. Elles ont entrepris un travail dont les résultats semblent concluants. L'enseignante aidait l'adolescente dans ses devoirs au domicile familial, tandis que l'éducatrice observait ses conduites, l'interpellait parfois et échangeait avec les parents sur le sens de leurs attitudes éducatives. Le formateur exprime ses réserves devant une démarche ambiguë au regard des rôles sociaux ordinaires et dont les effets risquent de ne pas être maîtrisés. Quoique ébranlées, les professionnelles argumentent avec conviction, tout en reconnaissant le bien-fondé des principes énoncés. Après un débat circonstancié qui examine les différents points de vue, les participants et le formateur font l'hypothèse que, compte tenu des caractéristiques de la situation et du volontarisme des deux professionnelles, la réussite observée tient peut-être au caractère décalé et donc interpellant de leur action(5). Au final, le groupe valide des préconisations référées aux rôles sociaux ordinaires, en précisant que d'autres conduites sont envisageables à partir du moment où elles font l'objet d'une réflexion d'équipe approfondie et d'un suivi particulier.

Formation participative

Cette dernière situation illustre une démarche de formation participative sous deux caractéristiques :
- elle met en jeu une divergence entre le formateur et certains participants, entre des principes validés collectivement et une situation particulière ;
- elle suscite une élaboration collective.
Les contradictions rencontrées et explorées au cours d'une action de formation ne témoignent pas d'une difficulté particulière, mais d'une concrétisation de l'intention participative. Les professionnels exerçant des métiers d'aide à la personne se montrent souvent insatisfaits, critiques, partagés entre leur engagement et une contestation permanente des outils, références, dispositions qui leur sont proposés. Plutôt que de les considérer comme d'éternels révoltés ou des enfants gâtés, on se demandera s'ils ne souffrent pas d'un déficit de reconnaissance au regard des ambiguïtés qui caractérisent leur action lorsqu'elle s'apparente à une forme de contrôle social ou, d'une autre façon sans doute, lorsqu'il s'agit de pourvoir à une inadaptation ou une dépendance peu compatible avec l'injonction moderne d'autonomie et les vœux de citoyenneté. Or, la modalité participative offre une forme de reconnaissance dans la mesure où elle considère que toute équipe professionnelle, quelles que soient ses insuffisances, est détentrice d'un savoir construit au fil de l'expérience. À l'issue des formations, les équipes témoignent d'un sentiment de valorisation lorsqu'ont été prises en compte leurs pratiques professionnelles, aboutissant à des préconisations collectives. La formation authentifie la capacité des participants de produire des références opératoires alors qu'on leur reproche de façon récurrente une incapacité de formuler les contours de leur travail, hors de déclarations d'intentions vagues et peu efficientes.
Cette reconnaissance repose sur l'acceptation de la contradiction au sein du processus de formation. Les conclusions ne sont pas celles du formateur (ce qui ne l'empêche pas de défendre son point de vue avec vigueur, au contraire), mais celles du groupe. Il y a une part de renoncement dans la démarche pédagogique. Les apprentissages utiles sont ceux que chaque participant et le groupe s'approprient et non ceux qu'a développés le formateur tels qu'il les a développés.
L'élaboration d'un savoir collectif opératoire dans le contexte institutionnel du groupe de formation est l'autre caractéristique d'une démarche participative. À un moment donné, le groupe s'empare du processus formatif. Il prend conscience de sa capacité de produire un savoir opératoire. Cela dépend évidemment du nombre de journées de formation, de la cohésion du groupe, des habitudes de travail collectif et, secondairement, du contenu de formation. Le signe le plus flagrant en est sans doute la reprise par un ou plusieurs participants des propos du formateur. Lorsque celui-ci se voit renvoyer – parfois avec malice, toujours avec finesse – un aspect méthodologique, une donnée de contenu ou un principe de fonctionnement énoncé en introduction 6, il comprend qu'il n'est plus le maître du jeu. Des processus collectifs s'ébauchent, qui vont se traduire par des modifications d'attitude, voire la formulation explicite d'avancées, d'acquis collectifs, de découvertes à exploiter, etc.
Cela implique que le formateur ait affirmé initialement la prise en compte de la parole de chaque participant dans sa valeur a priori. La formation doit pouvoir être appréhendée comme un temps entre parenthèses au cours duquel on s'autorise à penser au-delà des contingences de l'environnement institutionnel. Pour que la pensée soit libre, il faut que la parole le soit. Insolite, maladroite, hésitante, elle témoigne d'une pensée complexe ou en émergence, donc d'un problème ou d'une proposition qui mérite réflexion. Il faut énoncer – avec la distance de l'humour – que chacun a non seulement le droit à l'erreur, mais le devoir, pour explorer des pistes inhabituelles, la formation étant conçue comme un processus de déconstruction-reconstruction.
Il importe évidemment que chaque formateur formule ces principes à sa façon et non à travers des phrases types, car les mots n'ont de force qu'incarnés par une personne en situation. Il n'en reste pas moins que ce qui va de soi vaut d'être formulé. On mesure souvent mal la force des mots et il est étonnant de découvrir combien des énoncés introductifs ont été pris au mot, validés par les participants comme des principes de fonctionnement collectif. Certes, les mots ne suffiront pas, il faudra que le formateur les accompagne d'attitudes correspondantes. Une posture d'écoute-recherche engendre des phases d'incertitudes (signifiées par des interpellations telles que : « Où voulez-vous en venir ? », « Je ne comprends plus ce que l'on fait ») et donc d'insécurité dans la mesure où le processus formatif ne fonctionne pas comme un programme, mais où on accepte de se laisser surprendre par l'imprévu. De même que le service à la personne, le rapport pédagogique ne fonctionne pas en termes de cause à effet, mais d'interactions et, pour conserver sa richesse, il doit articuler un projet initial structuré, raisonné, et du désordre créateur au sens d'Edgar Morin. Dans sa dimension collective, ce désordre participe à un ouvrage commun. Un savoir collectif – qui, par certains côtés, dépassera les attentes initiales – commence à se construire à partir du moment où les participants prennent conscience que la formation peut non seulement leur apprendre personnellement quelque chose, mais aussi leur permettre d'apporter aux autres et de s'enrichir par là-même.
Cela renvoie sans doute au besoin d'appartenance à une communauté d'intentions et de valeurs, à un groupe humain qui confère une utilité à ses membres. Les effets n'en sont pas toujours immédiatement perceptibles, voire en restent partiellement ignorés par ceux qu'ils concernent parce que le changement induit en général l'oubli du chemin parcouru (comment apprécier ce que j'éprouvais dans un état précédent, puisque je n'en suis plus familier ?). Ils n'en restent pas moins sensibles à des observateurs extérieurs et formulés par les participants eux-mêmes lorsqu'ils se réfèrent et/ou mettent en œuvre des conclusions élaborées en formation avec leurs pairs.

1. Certaines révélations initiales l'éclaireront sans doute, mais il aura intérêt à ne pas s'en contenter, car les configurations situationnelles sont toujours beaucoup plus complexes que ne le laissent d'abord entrevoir les acteurs.
2. Combien de conférences séduisantes se vident de leur substance lorsque nous cherchons à nous en remémorer les apports.
3. C'est le raisonnement analogique qu'ont utilisé les programmeurs informatiques pour créer les icônes correspondant aux commandes d'un courriel. L'utilisateur fera face aux différentes situations rencontrées lorsqu'il aura réalisé analogiquement qu'il mettait en œuvre un processus équivalant à la rédaction de sa correspondance, à la préparation d'un colis et à son envoi postal au destinataire.
4. Au double sens du terme.
5. Ici, notamment en déstabilisant les représentations parentales sur l'école, représentations créatrices de blocages et sans doute d'un conflit de loyauté chez l'adolescente.
6. Par exemple sur le mode : « Vous avez dit que… », « C'est pourtant vous qui… », « C'est bien comme ça que… » ou, plus offensif, à l'issue d'un travail de sous-groupe : « Nous avons pensé que… », « Nous avons décidé de… », etc.


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"Pour empoigner la vie, les paroles te sont nécessaires,
elles te disent qui tu es, où tu es."
H.L. Kristiansen, Paroles Inuit